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Joie infinie ! Oh ! qu’il est doux de pleurer ! » Même après que l’étroitesse d’esprit et la grossièreté de ses compatriotes l’ont dépouillé de ses illusions, il croit encore : « Ne serait-il pas mieux de les laisser suivre leur sort et de les abandonner aux erreurs qu’ils aiment ? Mais non. Il y a la raison, et la raison n’existe pas sans les hommes. L’ami de la raison doit aimer l’humanité, puisque la raison ne se réalise que par l’humanité…, Ô univers, ô raison des choses, je sais qu’en cherchant le bien et le vrai je travaille pour toi. » Il croit à l’obligation de se sacrifier pour les fins de l’univers, telles qu’il nous a été donné de les concevoir. Et voici l’un de ses derniers cris : « Impossible de sortir de ce triple postulat de la vie morale : Dieu, justice, immortalité ! La vertu n’a pas besoin de la justice des hommes ; mais elle ne peut se passer d’un témoin céleste qui lui dise : Courage ! courage ! Mort que je vois venir, que j’appelle et que j’embrasse, je voudrais au moins que tu fusses utile à quelqu’un, à quelque chose, fût ce à la distance des confins de l’infini… » Il est vrai que lorsqu’il a vu, par le cynique dialogue de Ganeo et de Sacrificulus, ce que deviennent ses doctrines en passant dans des âmes basses qui n’en comprennent que les négations, il recule épouvanté et renie son oeuvre involontaire. Mais il y a encore dans son cri de désespoir un acte de foi : « Oui, une vérité n’est bonne que pour celui qui l’a trouvée. Ce qui est nourriture pour l’un est poison pour l’autre. Ô lumière, qui m’as induit à