Page:Lemaître - Les Contemporains, sér4, 1897.djvu/258

Cette page n’a pas encore été corrigée

tendre, caressante et ironique, attirante et fuyante. Et pourtant ce n’est plus la même chose. L’oeuvre est d’une beauté moins perverse (je parle ici comme un cœur simple). La préoccupation de la femme y est moins aiguë : ce n’est plus une hantise. Vous y chercherez en vain les anciennes fantaisies de négation voluptueuse, la philosophie du suicide délicieux de Prospero. Puis le doute, s’il n’est pas précisément absent du livre, y est plus austère et plus triste. Il semble enfin que, des opinions confrontées dans le drame, une affirmation se dégage, plus nette qu’on ne l’attendait de M. Renan, et qu’après nous avoir si longtemps troublés autant qu’il nous charmait, il se repose aujourd’hui dans l’espèce de certitude dont il est capable et dans une sérénité moins inquiétante pour nous.

Voilà du moins ce que j’avais cru voir ; mais je n’en étais pas absolument sûr. La préface, que j’ai lue, ensuite, m’a prouvé que j’avais bien vu. « J’ai voulu dans cet ouvrage, dit M. Renan, développer une pensée analogue à celle du messianisme hébreu, c’est-à-dire la foi au triomphe définitif du progrès religieux et moral, nonobstant les victoires répétées de la sottise et du mal. » Voyons donc sous quel aspect se présente l’acte de foi de M. Renan.