Page:Lemaître - Les Contemporains, sér4, 1897.djvu/253

Cette page n’a pas encore été corrigée

ce frénétisme de vivats, de bravos, la fillette volte, bondit, dissimule si harmonieusement le travail musculaire de tout son corps que sa danse paraîtrait facile, la distraction d’une libellule, sans les quelques pointes de sueur sur la chair gracile et pleine du décolletage et le sourire en coin des lèvres, aiguisé, volontaire, presque méchant, où se trahit l’effort, la fatigue du ravissant petit animal. »

Je vous prie de méditer sur cette page. Je ne veux plus citer, car où m’arrêterais-je ? Je vous engage seulement à relire le dîner chez la duchesse Padovani, l’enterrement de Loisillon, le duel de Paul Astier, etc… Il y a là-dedans, avec un peu d’outrance tartarinesque, une concision puissante, une ironie à la fois très violente et très fine ; et surtout, jamais on n’a mieux su nous enfoncer les choses dans les yeux, rien qu’avec des mots. Et notez que l’effort s’arrête toujours au point extrême par delà lequel il s’en irait tomber dans le précieux ou dans le charabia impressionniste. Dans ses plus grandes audaces, M. Daudet garde un instinct de la tradition latine, un respect spontané du génie de la langue.

(Je ne puis m’empêcher, à ce propos, de vous dire combien la Vie parisienne m’a affligé dernièrement par son commentaire grammatical de l’Immortel, jugeant cette prose d’après la syntaxe du dix-huitième siècle et les principes de l’abbé le Batteux… Savez-vous les phrases que la Vie parisienne aurait dû relever ? Il y en a deux, sans plus ; mais elles