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le soutenir. Il n’est pas plus philosophe que Musset ; il l’est moins que Lamartine.

Sa métaphysique est rudimentaire. C’est une sorte de manichéisme panthéistique avec la croyance au triomphe final du Bien. Entendez Ce que dit la bouche d’Ombre. « La première faute fit le premier poids et créa la matière. La matière, c’est le châtiment et l’instrument d’expiation. Le monde visible n’est qu’un purgatoire aux innombrables degrés, depuis le caillou jusqu’à l’homme et au delà. Le méchant, après sa mort, descend et devient bête, plante ou minéral, selon son crime. Le juste monte, va on ne sait où, dans quelque planète. Mais, sur cette échelle des êtres, l’homme seul ne se souvient pas du passé (pourquoi ?). De là son ignorance. Au contraire, les animaux, les plantes et les rochers se souviennent de ce qu’ils ont été et savent ce que l’homme ne sait pas : d’où leur aspect mystérieux. Mais les expiations ne sont pas éternelles. Les coupables remontent peu à peu. À la fin, tous se retrouveront, dégagés du poids, dans la lumière, en Dieu. »

Sa vision de l’histoire est de même sorte, sommaire, anticritique, enfantine et grandiose. L’histoire, c’est la lutte des mendiants sublimes et des vieillards décoratifs, à longues barbes, contre les rois atroces et les prêtres hideux. La « légende des siècles » devient ainsi, à force de simplification, une façon de Guignol épique.

Ces conceptions peuvent être, à coup sûr, d’un