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nal ni dans Sénèque, ni même dans Corneille, Bossuet ou Molière ; et cela, chez Hugo, est continuel.

Autre chose encore. Il a été le roi des mots. Mais les mots, après tant de siècles de littérature, sont tout imprégnés de sentiments et de pensée : ils devaient donc, par la vertu de leurs assemblages, le forcer à penser et à sentir. À cause de cela, ce songeur si peu philosophe a quelquefois des vers profonds ; et ce poète, de beaucoup plus d’imagination que de tendresse, a des vers délicats et tendres. (Il y en a dans Toute la Lyre ; voyez Ce que dit celle qui n’a pas parlé.)

Puis, comme la moindre idée lui suggère une image, et comme ensuite les images s’appellent et s’enchaînent en lui avec une surnaturelle rapidité, le sujet qu’il traite a beau être maigre et court dans son fond, la forme dont il le revêt est un vaste enchantement. Ces correspondances qu’il saisit entre les choses nous intéressent par elles-mêmes. La figure entière du monde finit par tenir dans le développement du moindre lieu commun. Cette poésie, que ma pensée et mon cœur ont parfois trouvée indigente, finit donc par apparaître, à qui sait lire, comme la plus opulente qui se puisse rêver.

Je voudrais ne pas trop répéter ce qu’on sait ; je ne rappellerai donc pas que Hugo a peut-être été le plus puissant et, à coup sûr, le plus débordé des descriptifs. Il voyait les choses concrètes avec une intensité extraordinaire, mais toujours un peu en rêve et jusqu’à les déformer… Par suite, il a eu,