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dans le style tout ce qui ne sert pas à faire voir ou à faire sentir. — Mais, quand on parle de leur style, il faut distinguer entre leurs livres. Soeur Philomène, Renée Mauperin, Germinie Lacerteux sont écrits purement. La forme de Charles Demailly (le premier de leurs romans qui ait paru) était beaucoup plus exubérante et parfois singulière. Dans Manette Salomon la manière triomphe. Dans Madame Gervaisais, le dernier roman qu’ils aient composé ensemble, on n’hésite pas à dire : C’est trop ! — Et la bizarrerie du style s’est encore aggravée dans les livres que M. Edmond de Goncourt a écrits tout seul. C’est donc dans Madame Gervaisais que je puiserai des exemples soit des incorrections affectées, soit des manies de style qui sont devenues, vers la fin, familières aux deux frères.

Voici d’abord des sortes d’expressions redondantes par le rapprochement de deux mots de même racine : « Là, une haie de camélias plaquant ses feuilles et ses fleurs de cire contre le rocailleux d’une galerie de rochers[1]. » — «… débordant de la bordure turgide et gonflée des fleurs[2]. » (Je néglige ici la synonymie absolue de turgide et de gonflée.) — Parfois le pléonasme va jusqu’à l’incorrection choquante : « Ce qui lui manquait et lui faisait défaut, c’était une absence d’aliments à des appétits nouveaux[3]. » Ceci rappelle une phrase

  1. Madame Gervaisais, p. 37.
  2. Ibid., p. 163.
  3. Ibid., p. 216.