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rodies de forêts pleines de bouchons, où l’on trouve dans les taillis des côtes de melon et des pendus[1]. » Dans la forêt de Fontainebleau, ils voient les plus petites choses : «… Son regard s’arrêta sur le rocher ; il en étudia les petites mousses vert-de-grisées, le tigré noir des gouttes de pluie, les suintements luisants, les éclaboussures de blanc, les petits creux mouillés où pourrit le roux tombé des pins. » Mais à côté ils sentent profondément les grands spectacles : la vallée de Franchart les fait rêver de cataclysmes préhistoriques, de nature antédiluvienne[2]. Il serait intéressant de comparer leur forêt de Fontainebleau à celle de Flaubert dans l’Éducation sentimentale, à celle de Michelet dans l’Insecte, à celle de M. Taine dans Thomas Graindorge, à celle de M. Alphonse Daudet dans les Rois en exil. On verrait MM. de Goncourt aussi exacts que Flaubert, presque aussi ivres que Michelet, et plus débordants et tourmentés que tous. Mais ils nous ont prévenus : ici non plus qu’ailleurs ne leur demandez « la tranquillité des lignes » ni « la santé courante ».

On ne saurait étudier leurs descriptions sans parler en même temps de leur style ; car c’est la volonté de peindre plus qu’on n’avait fait encore qui les a conduits souvent à se faire une langue, à inventer pour leur usage une « écriture artiste », comme dit M. Edmond de Goncourt. L’expression est juste, quoique bizarre. Ils considèrent les choses, avons-nous dit,

  1. Germinie Lacerteux, p. 197.
  2. Manette Salomon, p. 244 et suiv.