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par la voix de la soeur récitant la prière du soir : « Hélas ! Seigneur, que puis-je faire en reconnaissance de tant de bonté ?… » — Voyez encore la dernière moitié de Germinie Lacerteux, la maladie jour par jour et la mort de Renée, quelques-unes des dernières pages de Manette Salomon, la lutte tragique de Charles contre la folie envahissante. Et j’ose ajouter : voyez Anatole allant enterrer Vermillon… — Les romans d’à présent (je parle toujours des romans littéraires) n’ont rien de bien consolant. On en est venu à regarder l’optimisme, dans les œuvres d’imagination, comme tout proche de la banalité. On aime que l’art soit pessimiste ; le sentiment qui conduit le romancier à voir et à peindre de préférence, dans la réalité, ce qu’elle a de tristesses et de cruautés absurdes, paraît un sentiment distingué ; on éprouve à le partager une sorte d’orgueil intellectuel, on y voit une protestation bien humaine contre le mal inexplicable. Ajoutez qu’il ne reste peut-être plus que cet art violent pour nous donner les émotions dont nous avons besoin. À plus forte raison peut-il seul contenter les écrivains qui le pratiquent, et qui, à supposer que nous soyons malades, doivent l’être encore plus que nous, étant parmi nous les premiers. On conçoit de reste que le tempérament de MM. de Goncourt et leur dédain des apparences mêmes de la banalité les ait détournés des romans « qui finissent bien ».