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moitié des deux histoires ne se déroulerait guère autrement si Manette devait être l’ange gardien de Coriolis et Marthe la muse de Demailly.

Ainsi presque tous les principaux personnages de MM. de Goncourt ne se développent point dans des phases qui se lient et s’engendrent : ils se révèlent, de loin en loin, par des accès. Cette impression tient peut-être, en partie, à ce caprice de composition qui, comme nous l’avons vu, découpe un livre en tableaux presque toujours indépendants les uns des autres : les vides qui séparent les tableaux se répètent dans le processus des caractères. Ainsi un homme qui marche à l’intérieur d’une maison, si nous regardons du dehors, apparaît successivement à chaque fenêtre, et dans les intervalles nous échappe. Ces fenêtres, ce sont les chapitres de MM. de Goncourt. Encore y a-t-il plusieurs de ces fenêtres où l’homme que nous attendions ne passe point.

J’exagère un peu l’impression, mais elle est réelle. Il y a du hasard dans ce que font et dans ce que deviennent les personnages que j’ai cités. Leur caractère étant donné, ce qui en sort n’en paraît pas sortir nécessairement. — Mais quelques-uns sont des malades, et, en signalant ce qu’ils ont d’inexpliqué, c’est peut-être leur maladie même que nous leur reprochons. Pour les autres, si leur conduite a quelque chose d’inattendu, elle n’a rien, après tout, d’impossible. Ainsi, à peine ai-je formulé mes critiques que je ne suis plus si sûr de leur justesse. Il ne faut pas,