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naturelle. Au fond, ils n’aiment pas raconter ; ils ne peuvent souffrir le labeur d’un récit suivi, avec des passages nécessairement plus éteints, des transitions d’un épisode à l’autre. Leur sensibilité de névropathes n’admet que ce qui l’émeut ; il ne faut à leur besoin d’impressions fines ou violentes que des tableaux de plus en plus brillants et vibrants.

Quelques critiques leur ont vivement reproché ce dédain de la composition et d’avoir l’air (surtout dans Charles et dans Manette) de vider leur portefeuille au hasard, de secouer leurs notes pêle-mêle autour d’une maigre histoire. Il nous suffit que ce ne soient pas les notes de tout le monde. Je me fais fort, en retranchant beaucoup, en ajoutant très peu, de transformer Charles Demailly, sans beaucoup de peine, en un roman suivi et correctement composé ; mais je suis tenté d’estimer peu ce qui est si facile à faire. Et puis, ce ne serait plus Charles Demailly. L’harmonie d’une composition équilibrée est un charme ; le pêle-mêle des tableaux en est un autre. Leur désordre répond à celui de la réalité. Leur succession capricieuse semble reproduire celle des impressions de l’artiste. Un tel livre a la vie et la variété d’un album d’études.

Le Jardin des plantes ; un atelier de trente élèves ; une ville d’Asie Mineure racontée par un coloriste ; une partie de canotage la nuit ; quelques aperçus sur la cuisine russe ; une vente après décès d’artiste pauvre et malchanceux ; un atelier au crépuscule ; l’ouverture du Salon ; ce qu’on voit en omnibus le