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— Pas d’intrigue !

— Des épithètes peintes en bleu, en rouge, en vert, comme les chiens de chasse de la Nouvelle-Calédonie !

— Je vous dis qu’il y a un parti du haut embêtement…

— Ça ne m’a pas paru si mal.

— Et moi je trouve le bouquin très fort, dit une voix nette comme un tranchant[1].

Je le dis franchement, moi aussi, je trouve « leurs bouquins très forts ».


III

Non par la composition pourtant. Comme leur talent naturel allait plutôt à la peinture curieuse et trépidante des « milieux » qu’à l’invention et à la narration continue d’« histoires » intéressantes, ils en ont, dès le premier jour, pris hautement leur parti, même avec affectation. Par là comme par le style, bien ou mal, ils ont innové. Charles Demailly est, je crois, parmi les romans qui comptent, le premier qui ne soit pas composé. Madame Bovary offrait déjà quelques tableaux qui semblaient peints un peu pour eux-mêmes et qui pouvaient presque passer pour des digressions ; mais leur lien avec l’action restait toujours visible. MM. de Goncourt rompent décidément ce lien. Sans doute leurs chapitres ne se suivent pas tout à fait au

  1. Charles Demailly, p. 120.