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riques, leur tempérament les y prédisposait. Ce tempérament est celui de leur premier héros. Ils ont mis beaucoup d’eux-mêmes dans Charles Demailly :

… Charles possédait à un degré suprême le tact sensitif de l’impressionnabilité…

(Le style est bizarre ; mais ne parlons pas encore du style de MM. de Goncourt.)

Il y avait en lui une perception aiguë, presque douloureuse, de toutes les choses de la vie… Cela, qui agit si peu sur la plupart, les choses, avait une grande action sur Charles. Elles étaient pour lui parlantes et frappantes comme les personnes… Cette âme qui se dégage des milieux de l’homme avait un écho au fond de Charles… Cette sensitivité nerveuse, cette secousse continue des impressions, désagréables pour la plupart, et choquant les délicatesses intimes de Charles plus souvent qu’elles ne le caressaient, avaient fait de Charles un mélancolique… Charles n’avait qu’un amour, qu’un dévouement, qu’une foi : les lettres. Les lettres étaient sa vie ; elles étaient son coeur[1].

Tout cela peut se dire exactement des deux frères, et le dernier trait n’est pas moins vrai que le reste. Ils ont aimé passionnément les lettres, avec une sincérité entière et un désintéressement rare ; poussant bravement leur manière jusqu’à l’extrême, sans consentir jamais à des atténuations qui eussent peut-être suffi à leur amener le grand public ; poussant dans

  1. Charles Demailly, pp. 72-73.