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aux plus « modernes », sentants ou pensants, que nous allons de préférence. Or MM. de Goncourt ont donné comme qui dirait la note la plus aiguë de la littérature contemporaine ; ils ont eu au plus haut point l’intelligence et l’amour de ce qu’ils ont appelé eux-mêmes la « modernité » ; ils ont enfin inventé une façon d’écrire, presque une langue, qu’on peut apprécier fort diversement, mais qui est curieuse, qui a eu des imitateurs et qui a marqué sa trace dans la littérature des vingt dernières années. — Mais peut-être est-il nécessaire, pour les bien goûter, d’avoir un esprit peu simple et en même temps d’être de ceux « pour qui le monde visible existe[1] ».


I

« Ceux qui aiment tant la réalité n’ont qu’à la regarder, » dit-on. Soit ; mais il n’est pas non plus sans intérêt de voir comment d’autres la regardent, sous quel angle, de quels yeux et dans quelle disposition d’esprit, et comment ils l’expriment, quel caractère ils aiment à en dégager, quel sorte de grossissement ils lui donnent, et par quel parti pris et par quelle loi de leur tempérament. Car, faut-il le répéter ? un écrivain n’est jamais un photographe, quand il le voudrait ; tout ce qu’il peut faire, c’est d’être idéaliste

  1. Charles Demailly, p. 85.