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mois, elle déclare posément à son mari qu’elle ne l’aime plus et qu’elle entend vivre à sa guise et avoir des amants si cela lui plaît. Peu après, M. de Vaudricourt découvre le crime de Sabine et meurt de chagrin. Pourquoi Sabine est-elle ce monstre ? M. Feuillet ne nous le dissimule point ; c’est parce qu’elle n’a pas appris le catéchisme, parce qu’elle a reçu d’un vieux médecin une éducation purement scientifique et laïque, et qu’avec son intrépide logique de femme elle pousse à leurs dernières conséquences les théories de la philosophie positiviste. M. Feuillet a voulu marquer dès le début que cette Locuste n’est qu’une darwiniste pratique, quelque chose comme un Lebiez en jupons : la première fois qu’elle apparaît à Vaudricourt, c’est en chasseresse braconnant sur les terres d’autrui et pénétrée des droits que lui confère la grande loi de la « lutte pour la vie ».

Cette pédante homicide a été imaginée pour nous faire peur ; mais qui veut trop prouver… Il serait ingénu de penser que l’incroyance, même radicale, conduit nécessairement au crime une créature humaine, même affamée de jouissances. Cette créature pourra fort bien n’être que modérément malfaisante ; car la bonne Nature a voulu qu’il y eût sur la terre, en dehors de toute morale, d’autres plaisirs que ceux des animaux de proie. Il y a, tout au moins, des affections naturelles, des mouvements de tendresse, une pitié humaine indépendante des religions. Opposez un peu à ce croquemitaine de Sabine l’assassin