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llectuelle où s’est élevé l’effort des deux dernières générations. Cet homme d’aujourd’hui offre une combinaison singulière d’esprit scientifique, de sensualité fine et triste, d’inquiétude morale, de compassion tendre, de religiosité renaissante, de penchant au mysticisme, à une explication du monde par quelque chose d’inaccessible et d’extra-naturel. La fin de Crime d’amour est mystique comme un roman russe. Mais ce à quoi les écrivains russes sont amenés par le mouvement spontané de leurs âmes religieuses et rêveuses, par l’étude des cœurs simples et par le spectacle d’infinies souffrances et d’infinies résignations, nous y arrivons, je crois, par la banqueroute de l’analyse et de la critique, par le sentiment du vide qu’elles font en nous et de la somme énorme d’inexpliqué qu’elles laissent dans le monde. Pour ces raisons ou pour d’autres, il semble qu’un attendrissement de l’âme humaine soit en train de se produire dans cette fin de siècle et que nous devions bientôt assister, qui sait ? à un réveil d’Évangile.

Cet attendrissement, fait de méditation sérieuse, de tristesse et de pitié, c’est lui qui donne tant de prix aux romans de M. Paul Bourget. C’était lui, déjà, qui communiquait tant de douceur à ses poésies de jeunesse (la Vie inquiète, les Aveux).

Je ne conclus point. M. Paul Bourget est assez jeune pour se développer encore et pour nous apporter peut-être de l’imprévu. Qu’il continue de nous charmer, de nous toucher et de nous faire réfléchir ;