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ques, et cela ne les empêche pas de se conduire comme on sait : M. Feuillet n’y a-t-il point songé ? Si Gandrax se tue, si M. de Camors manque à l’honneur, il nous dit que c’est qu’ils ne croient pas en Dieu : nous voyons clairement, d’après le récit même de M. Feuillet, que c’est encore pour bien d’autres raisons. Et c’est fort heureux pour lui qu’il ne prouve pas sa thèse : ses personnages ne la démentent, en effet, que parce qu’ils sont encore très suffisamment vrais et vivants. Mais ses illusions de moraliste candide ne m’en gâtent pas moins quelques-uns de ses plus beaux livres.

Je ne m’arrêterai guère sur l’histoire de Gandrax (Sibylle). L’invention en est un peu enfantine. Gandrax est un chimiste athée, d’ailleurs fort honnête homme ; sa religion, c’est l’amour de la science et de l’humanité. M. Octave Feuillet nous conte que, si ce chimiste devient l’amant de Mme de Val-Chesnay et si, congédié brusquement par cette coquette, il avale une fiole d’opium, c’est parce qu’il n’est pas chrétien. Mais je ne pense pas qu’il ait jamais été nécessaire de nier l’existence de Dieu pour pécher avec une femme du monde ; et, si Gandrax s’empoisonne pour une rupture, c’est apparemment qu’il a la tête un peu faible.

Le cas de M. de Camors est moins puéril. On connaît le fier début du livre : le suicide du père de Louis de Camors, son testament, le programme de vie qu’il trace à son fils et que M. Octave Feuillet résume comme il suit :