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prit de M. Nisard est intéressant ! comme il est fin, délicat et dédaigneux !

M. Taine, dans son Histoire de la littérature anglaise fait absolument le contraire et fait cependant la même chose. Tandis que M. Nisard ne considérait que les œuvres, M. Taine affecte de considérer surtout les causes proches ou lointaines dont elles sont l’aboutissement ; et, tandis que M. Nisard coupait les œuvres de leurs racines, il étudie, lui, ces racines jusque dans leurs dernières ramifications et le sol même où elles s’enfoncent. Mais cette explication des livres par les hommes, et des hommes par la race et le milieu, n’est souvent qu’un leurre. Car le critique s’est d’abord formé, sans le dire, par une première revue rapide de la littérature anglaise, une idée du génie anglais (comme M. Nisard du génie de la France), et c’est de là qu’il a déduit les conditions et le milieu où les œuvres proprement anglaises pouvaient se produire. Et alors, toutes celles que ce milieu n’explique pas, il affecte de les laisser de côté. Il arrive ainsi, par une autre voie, à un exclusivisme aussi étroit que celui de M. Nisard. Le spiritualisme de l’un, le positivisme de l’autre aboutissent donc à un résultat analogue. Et nous pouvons dire comme tout à l’heure : L’Histoire de M. Taine est singulièrement systématique, partiale et incomplète ; mais comme le génie de M. Taine est intéressant ! quelle puissance de généralisation et à la fois quelle magie de couleur dans l’œuvre de ce poète-logicien !