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eux à un tel point qu’ils seront à peu près indiscernables. Ils se rapprocheront de Dieu, le grand savant, le grand critique ; et Dieu n’a point d’individualité. Dès aujourd’hui l’écrivain qui concevrait entièrement et profondément toutes les façons dont le monde s’est reflété dans des intelligences ne pourrait guère être défini que par cette aptitude même à tout pénétrer et à tout embrasser.

Nous n’en sommes pas encore là. En réalité, il y a autant de manières d’entendre la critique que le roman, le théâtre ou la poésie : la personnalité de l’écrivain peut donc s’y marquer aussi fortement, quand il en a une. À peine faut-il, quelquefois, un peu plus de soin pour l’y démêler.

Il est trop évident (mais j’ai besoin de ces truismes pour reprendre confiance) que, comme tout autre écrivain, un critique met nécessairement dans ses écrits son tempérament et sa conception de la vie, puisque c’est avec son esprit qu’il décrit les autres esprits ; que les différences sont aussi profondes entre M. Taine, M. Nisard et Sainte-Beuve, qu’entre…, mettons entre Corneille, Racine et Molière, et qu’enfin la critique est une représentation du monde aussi personnelle, aussi relative, aussi vaine et, par suite, aussi intéressante que celles qui constituent les autres genres littéraires.

La critique varie à l’infini selon l’objet étudié, selon l’esprit qui l’étudie, selon le point de vue où cet esprit se place. Elle peut considérer les œuvres,