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Monsieur Destrémaux, encore qu’il intitule bravement cette Nouvelle « roman psychologique » ; même dans Madame André, le meilleur de ses romans pourtant, où il a le mérite de nous faire accepter une situation hardie et où la femme (sauf le sacrifice monstrueux et inutile de son enfant) a de la grâce, de la dignité, presque de la grandeur, et aime bien comme une aînée, comme une maîtresse qui est un peu une mère ; mais Lucien Ferdolle se détache trop vite, avec une soudaineté trop odieuse, et le drame douloureux du déliement progressif est esquivé.

En revanche, M. Jean Richepin a (surtout dans ses vers, fort supérieurs à sa prose) la sonorité, la plénitude, la couleur franche, le dessin précis, une langue excellente, vraiment classique par la qualité ; et il est le dernier de nos poètes qui ait, quand il le veut, le souffle, l’ampleur, le grand flot lyrique. Il est le seul qui, depuis Lamartine et Hugo, ait composé des odes dignes de ce nom et qui n’ait pas perdu haleine avant la fin ; et en même temps ce rhétoricien a su écrire de merveilleuses chansons assonancées et qui ressemblent, à force d’art, à des chansons populaires. Grand poète, en somme : dans ses meilleurs moments, un Villon de moins d’entrailles et de plus de puissance, qui aurait passé par le romantisme ; ailleurs, un superbe insurgé en vers latins. Mais là est son malheur. Il est à la fois trop cynique et trop lettré. Pour beaucoup, son cas n’est que curieux. On dit : « C’est un Touranien civilisé, qui fait des tours