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de désobligeant : vous nous faites bien durement sentir que nous ne sommes pas « nés ». Notre revanche, c’est que vos personnages, ne frayant pas avec nous, nous passionnent parfois médiocrement. Ce sont des « hommes du monde » : nous voudrions des hommes dessous. L’étrange affectation de ne regarder comme intéressante que la classe sociale la plus restreinte, et celle justement où l’originalité des individus a le plus de chances de s’effacer ou de s’atténuer ! Ouvrez les yeux : le monde est vaste, l’humanité infiniment variée, et il y a sur terre des hommes et des femmes autrement vivants et dignes d’attention que ceux qui vont à cheval au bois le matin ou celles qui ont leur loge à l’Opéra.

En même temps que le besoin de nous étonner à la fois par ses hardiesses et par sa distinction, des préoccupations de moraliste chrétien se trahissent de plus en plus dans l’œuvre de M. Octave Feuillet. Son spiritualisme va s’affirmant et, si j’ose dire, s’aggravant. Or c’est fort bien d’être spiritualiste, et nous le sommes tous ; mais par malheur le spiritualisme de M. Feuillet n’est pas toujours d’une qualité très rare : il n’est ni d’un grand philosophe ni d’un grand poète. Il s’étale avec une sécurité un peu béate : c’est comme qui dirait un spiritualisme un peu gros. Il a quelque chose de superficiel, de convenable et de convenu. Il se présente à nous non comme une foi personnelle et profondément élaborée, mais plutôt comme la doctrine officielle de la caste sur laquelle et pour laquelle