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dégagé de conventions, tout y est par là même plus expressif. Remarquez d’ailleurs que ce qui est surtout pittoresque, c’est la vie d’en haut, et celle d’en bas, la vie conçue comme une vision de Véronèse ou comme une vision de Callot.

La forte culture classique de M. Richepin a pu contribuer elle-même à développer sa passion de la vie irrégulière et insurgée. Il se trouve que quelques-uns des pères de notre littérature ont été, au XVe siècle, au XVIe et au XVIIe encore, des bohèmes accomplis. « Escroc, truand, m…, génie ! » dit M. Richepin à Villon ; et Villon, j’en ai peur, pourrait répondre : « Monsieur sait tous mes noms. » Bohème, Rabelais, si l’on en croit sa légende ; bohème, Régnier : on sait comment il vécut et où fréquentait sa muse. Sous Louis XIII et même sous Louis XIV, les antres sacrés du Parnasse français sont des cabarets pareils à celui où Gautier conduit Jacquemin Lampourde, où se drapent des « gueux » superbes qui s’appellent Théophile de Viaud, Cyrano de Bergerac et Saint-Amand. M. Jean Richepin continue dans notre siècle la tradition de ces réfractaires. Et, très évidemment, il n’a pas eu à s’efforcer pour cela, son génie naturel tenant beaucoup d’eux, notamment de François Villon et de Mathurin Régnier.

C’est pourquoi vous trouverez une sincérité, une spontanéité très suffisantes dans la plus grande partie de la Chanson des Gueux. Les « gueux des champs » disent d’admirables chansons. L’ « odyssée d’un vaga-