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images précises ? Pourquoi sont-elles, en général, médiocrement « artistes » ? Car Mme de Sévigné elle-même ne l’est pas autant que la Fontaine ou la Bruyère, et George Sand l’est infiniment moins que Michelet ou Victor Hugo. Pourquoi tous les enrichissements successifs de la langue littéraire ne doivent-ils rien aux femmes ? Et pourquoi tous les progrès du style pittoresque et plastique se sont-ils accomplis en dehors d’elles, par J.-J. Rousseau, Chateaubriand, Hugo, Gautier, Flaubert, les Goncourt ?

M. Jacquinet répond à la première de ces questions dans sa substantielle préface :

Peut-être peut-on se demander si la beauté solide et constante du langage des vers, par tout ce qu’il faut au poète, dans l’espace étroit qui l’enserre, de feu, d’imagination, d’énergie de pensée et de vertu d’expression pour y atteindre, ne dépasse pas la mesure des puissances du génie féminin, et si véritablement la prose, par sa liberté d’expression et ses complaisances d’allure, n’est pas l’instrument le plus approprié, le mieux assorti à la trempe des organes intellectuels et au naturel mouvement de l’esprit chez la femme, qui pourtant, si l’on songe à tout ce qu’elle sent et à tout ce qu’elle inspire, est l’être poétique par excellence et la poésie même.

À la bonne heure ; mais c’est là formuler le problème et non pas le résoudre. J’avoue, du reste, que, si j’essaye d’aller un peu plus au fond des choses, je n’y vois pas bien clair. Dirons-nous que, si les femmes n’égalent point les hommes dans l’expression harmonieuse, pittoresque et plastique, c’est parce qu’elles sont plus