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nourricière, ô douce Io du roman contemporain ! Des pharisiens ont prétendu que vos premiers romans avaient perdu beaucoup de jeunes femmes ; mais nous savons bien que ce n’est pas vrai, que celles qui ont pu tomber après avoir lu Indiana étaient mûres pour la chute et que, sans vous, elles seraient tombées plus brutalement et plus bas. Vos amoureuses adultères sortent broyées de leur aventure ; et, si vous avez paru reconnaître le droit absolu de la passion, ce n’est que de celle qui est « plus forte que la mort » et qui la fait souhaiter ou mépriser. Je ne sais si, mal comprise, vous êtes pour quelque chose dans les erreurs d’Emma Bovary ; mais alors c’est donc par vous qu’il lui reste assez de noblesse d’âme pour chercher un refuge dans la mort. Plût au ciel que nos névrosées se plussent à lire Jacques ! et plût au ciel que nos révolutionnaires fussent nourris du socialisme arcadique du Meunier d’Angibault ! Et, enfin, que vos fautes vous soient pardonnées, car qui pourrait dire à combien de femmes, à combien d’hommes, ô fée bienveillante, la plupart de vos récits ont inspiré le courage, la résignation vaillante, la sérénité, l’espoir en Dieu et sur toutes choses la bonté, ô vous que vos amis appelaient la bonne femme, ô mère d’Edmée[1], de Marcelle[2], de Caroline[3], de Madeleine[4], de la petite Marie[5], de la petite Fadette et de la divine Consuelo !

  1. Mauprat.
  2. Le Meunier d’Angibault.
  3. Le Marquis de Villemer.
  4. François le Champi.
  5. La Mare au Diable.