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sives statues des bons imagiers, les broderies végétales et les infinies ornementations qu’ils ciselaient patiemment dans la pierre nous intéressent pour le moins autant et nous paraissent peut-être aussi belles, quoique d’une autre façon, que les figures des Panathénées ou les acanthes des colonnes corinthiennes. Les chansons, les fabliaux, les farces, les mystères, dont l’excellent et sec Boileau méprisait la grossièreté et que d’ailleurs il ne lisait pas, nous les lisons, un peu vite parfois et en dissimulant quelque ennui ; mais aussi nous y découvrons souvent, dans une phrase, dans un vers (et tout le reste en bénéficie), des merveilles de grâce, de finesse, d’émotion, de poésie, une malice exquise, ou bien une tendresse, une piété qui nous vont à l’âme. Nous avons des attendrissements demi-involontaires, demi-prémédités, sur la littérature de nos lointains aïeux. Ce qui échappait complètement à Ronsard, à Racine, à Fénelon, à Voltaire, nous avons la joie et l’orgueil de le voir et de le sentir. Nous sommes plus proches, par le cœur et l’esprit, de Villon, de Joinville, de Villehardouin, de Téroulde, que ne l’ont été, du premier jusqu’au dernier, nos écrivains classiques, et nous renouons par-dessus leur tête la tradition nationale.

On dira : — Ce n’est là qu’un effort de l’esprit critique, une sympathie artificielle et acquise. Nous connaissons plus de choses que les hommes des trois derniers siècles ; nous savons mieux qu’eux nous