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l’avons découverte, et que l’imitation de l’antiquité n’a pas été pour nous une « Renaissance », mais un achèvement. Et l’on se demanderait alors si l’antiquité ne nous a pas fait payer un peu cher le service qu’elle nous rendait. Elle a sans doute hâté notre croissance, mais aussi peut-être l’a-t-elle fait dévier pendant un siècle et plus. Car, avec ses formes, elle nous a imposé ses idées et ses sentiments, et, en les mêlant aux nôtres en trop grande abondance, elle a bien pu altérer pour un temps (dans quelle proportion ? on ne le saura jamais) notre développement original. Il est vrai que, après tout, cette infusion nous a enrichis, que, tout ayant fini par se fondre, tout est bien, et que nous n’avons donc pas à nous plaindre.

Mais, de ce que cette irruption de l’antiquité a été, voilà trois siècles et demi, soudaine (autant que peuvent l’être ces choses), irrésistible et telle qu’elle a fait perdre à nos aïeux l’amour et presque le souvenir de leur passé, il s’ensuit qu’aujourd’hui, bien que plus éloignés de la foi religieuse du moyen âge que les hommes d’il y a trois cents ans, nous sommes cependant beaucoup plus capables de goûter et de comprendre son art et sa littérature et nous nous en sentons même beaucoup plus près. Ces cathédrales gothiques qui semblaient barbares aux lettrés du XVIIe siècle et qui, pour Fénelon, manquaient de mesure et de noblesse, elles nous éblouissent, elles nous charment, elles nous touchent. Les raides et expres-