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se réfléchir enfin entièrement et exactement dans l’homme. Le savant, l’érudit, qui contribue à cette connaissance totale en se gardant des interprétations hâtives et incomplètes qui en retarderaient le progrès est donc l’homme du monde qui se conforme le mieux à la pensée divine. Et c’est pour cela que la passion scientifique a chez quelques savants la sérénité et l’énergie d’une foi religieuse et qu’ils apparaissent à la foule avec quelque chose de l’antique prestige des prêtres.

Un des charmes de M. Gaston Paris, c’est que ce culte absolu du vrai s’allie chez lui avec les plus beaux et les plus délicats des sentiments humains. Et d’abord il aime sa patrie presque autant que la vérité. La définition de l’esprit scientifique que je citais tout à l’heure a été donnée en plein siège de Paris ; et, ce qu’il y a de touchant, c’est l’embarras de l’érudit scrupuleux à qui la patrie monte aux lèvres et qui dit qu’il l’oubliera, et qui ne peut cependant songer à autre chose. Est-ce sa faute, à lui, si ce qui fait un peuple, l’amour du sol et le sentiment de l’honneur national, est déjà dans la Chanson de Roland ? Toute cette leçon, faite au bruit des obus allemands, tourmentée, embarrassée de déclarations peu s’en faut contradictoires, me paraît par là même d’une éloquence singulière. Je ne puis me tenir de détacher de la conclusion ces lignes où l’émotion de l’érudit, tout en se contenant, teint son style d’une couleur charmante :