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l’esprit scientifique. Je ne connais pas de plus belle définition de cet esprit que celle qu’il en donne dans une leçon sur la Chanson de Roland, faite au Collège de France le 8 décembre 1870 :

« … Je professe absolument et sans réserve cette doctrine, que la science n’a d’autre objet que la vérité, et la vérité pour elle-même, sans aucun souci des conséquences bonnes ou mauvaises, regrettables ou heureuses, que cette vérité pourrait avoir dans la pratique. Celui qui, par un motif patriotique, religieux et même moral, se permet dans les faits qu’il étudie, dans les conclusions qu’il tire, la plus petite dissimulation, l’altération la plus légère, n’est pas digne d’avoir sa place dans le grand laboratoire où la probité est un titre d’admission plus indispensable que l’habileté. Ainsi comprises, les études communes, poursuivies avec le même esprit dans tous les pays civilisés, forment au-dessus des nationalités restreintes, diverses et trop souvent hostiles, une grande patrie qu’aucune guerre ne souille, qu’aucun conquérant ne menace, et où les âmes trouvent le refuge et l’unité que la cité de Dieu leur a donnés en d’autres temps. »

Et voici une autre page où cet amour de la vérité s’exprime comme ferait la foi jalouse d’un croyant, en laisse voir les scrupules, les délicatesses, les pieuses intransigeances :

… Il y a au cœur de tout homme qui aime véritablement l’étude une secrète répugnance à donner à ses travaux une application immédiate : l’utilité de la science lui paraît surtout résider dans l’élévation et dans le détachement qu’elle impose à l’esprit

qui s’y livre ; il a toujours