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mythe, nous fera mieux connaître l’âme des anciens hommes.

L’érudit patient est comme le bon artisan du moyen âge qui s’appliquait à bien tailler sa pierre pour la cathédrale future sans savoir où cette pierre serait posée ni si elle serait vue des fidèles, heureux pourtant de collaborer pour son humble part au monument élevé à la gloire de Dieu. Il faut aimer les érudits, leur pardonner leurs petits travers, leurs étroitesses de spécialistes et leur vue de myopes. Ce sont les manœuvres dévoués et pieux des belles architectures édifiées par les grands esprits. Ils préparent les matériaux qui servent à écrire les beaux livres. C’est par leurs découvertes que s’élargit, en somme, la philosophie des sages, et que se renouvellent l’inspiration des poètes et la curiosité des dilettantes. Leurs travaux de fourmis et de termites modifient à la longue, chez les êtres les plus intelligents de notre espèce, la vision du monde et de l’histoire. Ils contribuent à la conscience de plus en plus claire que l’humanité supérieure prend de soi. Ils sont comme l’humus où poussent ces fleurs spirituelles : le génie d’un Taine ou d’un Renan.

Et je suis encore plein de respect pour les érudits parce que leur manie implique l’amour du passé, et que cet amour est une piété et une vertu. C’est le passé qui nous a faits : malheur à qui ne s’y intéresse point et honte à qui le méprise ! Rien ne me touche plus que de savoir ce qu’ont été mes pères lointains, ce