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pendant une heure au milieu d’une humanité plus belle et plus noble, ce qui est un grand plaisir pour ceux qui n’aiment pas la réalité ou qui ne savent pas la voir. Ce plaisir, on le trouve un peu puéril et on a quelque peine à le goûter tout d’abord quand on s’est laissé corrompre par d’autres livres où le besoin de la vérité, même triste, surtout triste, s’étale avec quelque chose de maladif et d’outré ; mais, avec un peu d’effort, on s’affranchit de cette impression première ; on sent se réveiller au fond de son âme, sous les tristesses d’une expérience morose, sous le positivisme et le pessimisme acquis, cet amour des fables et des fictions, ce goût de l’irréel qu’apporte tout homme venant en ce monde. Les romans de M. Octave Feuillet apparaissent alors comme de ravissants mensonges, et peut-être comme les plus gracieux qu’on ait imaginés en ce siècle pour bercer les âmes jeunes et enchanter les esprits innocents.


III

Heureusement, du reste, parmi ces histoires si souvent chimériques et surtout dans les livres dont je n’ai pas encore parlé, circulent, piaffent, caracolent, pleurent, souffrent et meurent des femmes bien vivantes, d’un charme singulier et dangereux. On les voit, on les aime, on voudrait les étreindre, et on éprouve, à les découvrir là, un peu du plaisir qu’on