commence à admirer ceux qui ont cette puissance en eux.
À la terreur qu’on doit éprouver au moment de mouvoir ces masses mystérieuses, joignez le sentiment d’une responsabilité formidable. Ce qu’on ordonne ainsi, c’est la mort de milliers de créatures humaines, et c’est une prodigieuse quantité de tortures physiques et de souffrances morales. Et, par delà le champ de bataille, ce qui est en jeu, ce dont on décide d’un mot, d’un geste, c’est l’intérêt, l’honneur, le bonheur de plusieurs millions d’autres hommes aujourd’hui et dans l’avenir. Aucun acte humain n’a des conséquences ni si immédiates, ni si lointaines, ni si sérieuses, que celui d’un général en chef. Jugez quelle force d’âme il exige et de quel tremblement intérieur il doit être accompagné !
Et c’est par là que le rôle de l’homme de guerre devient d’une incomparable grandeur. Il fait l’histoire non pas, comme le politique ou l’écrivain, par des préparations et influences éloignées ; il fait l’histoire directement, sur place ; il y met la main, sans métaphore. Ce qu’il taille dans de la chair, ce qu’il pétrit dans du sang, c’est la destinée d’un peuple. La guerre est l’action par excellence. Qu’est, auprès de celle-là, l’action du poète ou de l’artiste ? Leur oeuvre même dépend au fond de celle du soldat. Et voyez : la part que le hasard a toujours dans le succès des batailles et qui me semblait tout à l’heure diminuer le mérite des chefs d’armée, rend, au contraire, leur fonction