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avons été étonnés de le trouver, après tout, si docile ; mais quelle revanche il prendra ! Son éducation prépare de deux manières le Condé que nous connaissons. D’abord elle est dirigée tout entière en vue du premier rôle qu’il doit jouer, et cette idée lui a toujours été présente, en sorte que sa fierté même a pu être intéressée à se plier aux rudes programmes qu’on lui imposait. De plus, cette éducation a été absolument sans tendresse ; elle n’a pu développer en lui que l’orgueil et la force de la volonté. Durement élevé, il manquera de douceur. Longtemps contraint, dès qu’il sera libre il éclatera ; il fera des choses héroïques et superbes, et bientôt il en fera de monstrueuses ; son éducation, par ce qu’elle a de spécial, nourrit son orgueil, et, par ce qu’elle a de tyrannique, en prépare le débordement.


III

À vingt et un ans, il se révéla grand homme de guerre, par la science déjà, mais surtout par un instinct merveilleux, par un don de nature. La guerre était évidemment, de tous les travaux humains, celui où ses facultés essentielles et le fond de fougue animale qu’il portait en lui trouvaient le mieux leur emploi. Il fit la guerre avec allégresse et, l’on n’en saurait douter, avec génie.

Jadis, quand j’étais beaucoup plus jeune, je concevais mal ce génie-là ; je n’en saisissais point la