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Et puis, à Paris, la lutte pour la vie et pour la gloire est d’une extrême âpreté : il y a des petits jeunes gens qui égorgeraient leur meilleur ami — surtout leur meilleur ami — pour arriver plus vite à la « notoriété » ou à la fortune. La paix de la province entretient l’aménité des mœurs, encourage à la rêverie et aux ouvrages de patience. La sécurité que donne un traitement fixe est aussi très bonne pour cela. Et rien de tel que les loisirs du bureau pour se faire une belle main et pour apprendre l’écriture ornée avec des oiseaux dans les majuscules.

Il y a de là douceur dans la gentillesse, quelque chose de plaisant dans la mignardise et d’intéressant dans l’affectation. Pourquoi détester chez un poète ce qu’il est permis d’aimer chez une femme : la coquetterie, le désir de plaire se traduisant soit par les petits airs de tête, soit par les inflexions de voix câlines et à demi fausses, soit par l’arrangement symétrique et compliqué de petits objets, chiffons, rubans, oripeaux ? Il est d’ailleurs arrivé plus d’une fois à M. Soulary de s’arrêter en deçà de la mignardise et de l’extrême subtilité et de se contenter d’être gracieux, tendre, spirituel, ingénieux, délicat. Voyez les Deux Roses, Des pas sur le sable, À Éva, Dans les foins, Oaristys, Devise amoureuse, Aux morts, À une jeune fille poète, Si l’on me disait…, Ce beau printemps. Il se pourrait bien que M. Soulary fût le roi des poetæ minores. Et n’allez pas croire que ce soit peu de chose !…