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et mélodramatiques sur la misère du peuple. On reconnaîtrait aussi le poète du XIXe siècle à son affectation de néo-hellénisme, à son amour de la nature, à son amertume, à son pessimisme. Mais tout cela prend chez lui la même forme mignarde, entortillée, tarabiscotée, et cette forme est bien réellement son tout.

M. Soulary est un Italien. Ses ancêtres, les Solar, de Gênes, ont, paraît-il, apporté à Lyon l’industrie des velours brochés d’or et d’argent. Lui, c’est avec des mots qu’il fait ses broderies compliquées à plaisir. Ses aïeux littéraires sont les poètes de la Pléiade, les précieux du XVIIe siècle et les concettistes italiens, Guarini ou le Tasse de l’Aminta. Son sonnet des Rêves ambitieux rappelle par la facture tel sonnet de Joachim du Bellay ; ses Métaux font songer aux Pierres précieuses de Remy Belleau. Il a, comme Ronsard, un fonds gaulois qui perce çà et là sous la mignardise transalpine. Et par delà ces poètes raffinés il se rattache aux troubadours. Il est dans notre siècle le représentant inattendu du gai savoir et de la poésie menue des cours d’amour. Bref, et pour ne retenir que ses traits essentiels, M. Soulary est un concettiste et un provincial.

Et c’est parce qu’il est resté provincial qu’il a pu être un concettiste aussi outré. C’est le séjour de la province qui lui a permis de conserver intact et de développer son aimable manie et d’abonder ainsi dans le sens de la gentillesse. Et n’est-ce pas être original, après tout, que de procéder de Guarini ? À Paris, il eût apparemment subi des influences contemporaines.