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Soyons un peu pédant et rogue et, comme dit quelque part M. Joséphin Soulary, ouvrons sous les pas de l’innocent auteur « la fosse où vit la Critique glacée, le formica-leo ». D’abord ce n’est point là le style ni la manière d’un « ciseleur ». La ciselure implique une forme essentiellement plastique, aux contours très nets et très arrêtés, comme celle de Gautier dans Émaux et Camées ou de M. Leconte de Lisle presque partout. Le style de M. Soulary est plutôt celui d’un écrivain très laborieux et très inégalement heureux dans ses rencontres ; il ne cisèle pas, il complique et entortille, ce qui est bien différent. Cette fois-ci il n’était pas en veine. Voyez que de mots inutiles : En feu…, qui la brise…, qui le défend…, qu’il épuise ! — Notez qu’il n’est pas ordinaire ni convenable qu’une mère donne à teter à son enfant dans une église : tout ce septième vers est donc parasite. Et notez aussi qu’on ne donne pas « l’absoute » aux enterrements des petits enfants. — La mère embrasse du regard son enfant tout entier : il est donc bien grand, ce petit ? Encore deux mots peu nécessaires. — Et moins nécessaire encore l’apposition : Merveilleux retour qu’inspire la prière ; car ce « retour » (le mot est un peu bien vague), est-ce la prière qui l’inspire ? et n’est-ce pas simplement la bonne nature ? Oncques ne vit-on sonnet aussi chevillé.

Je sais bien que, comme l’a théologalement démontré Théodore de Banville, on ne saurait faire de vers français sans chevilles. Et même ce rutilant paradoxe n’est, au fond, qu’un truisme. Cela veut dire que,