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deur. Ce bouc qui dénoue le drame redouble encore l’impression d’épouvante et de mystère : il convenait qu’un animal eût un rôle, et un rôle humain, dans une histoire d’hommes si voisins de l’animalité primitive. Et c’est aussi une idée grande et belle d’avoir fait de l’innocent un juge et un justicier, d’avoir fait briller dans ce cerveau trouble une seule lumière, la conscience, qui apparaît alors comme quelque chose de primordial, d’inexpliqué, de divin. Cet idiot a de brèves paroles qui viennent, on le dirait, de plus loin que lui. Par là le drame s’agrandit encore, revêt par endroit une majesté de poème symbolique. Vraiment le Berger est un beau livre. Je ne me demande plus du tout s’il a été écrit par un magistrat ; cela m’est devenu fort égal ; et si, avec une mauvaise foi insigne, je me suis livré à cette recherche irrévérencieuse à propos des autres livres de M. de Glouvet, c’est que peut-être ils ne sont pas à la hauteur du Berger.