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mari, des maraudeurs qui habitent une île du fleuve. Ce sont d’affreux bandits qui à la fin, tentent de l’assassiner pour avoir son bien. Un petit marinier qui l’aime sans le dire veille sur elle… ; mais elle meurt, peu après, sur son bateau.

Cette femme en deuil, immobile et vivant d’un souvenir, M. de Glouvet a su nous la faire voir. Il a su, dès sa première apparition, la fixer dans une attitude qu’on ne peut plus oublier :

     Une femme tenait la barre du gouvernail.
     Cette femme était vêtue de noir.
     Aux signaux qu’on lui adressait de la jetée elle répondit en
     agitant son mouchoir à plusieurs reprises, puis retomba dans son
     immobilité sculpturale.

M. de Glouvet a eu cette fois la chance rare de dresser en pied une figure humaine qui représente un sentiment très général et très beau sous une forme concrète et dans des conditions très particulières et très pittoresques. Marie-Anne, c’est la statue du veuvage éternel sur un bateau de Loire. Ainsi apparu, le spectre du « marinier noir » ne nous quitte plus.

Et il reste aussi dans la mémoire, André Fleuse, le grand berger. « Le grand berger s’arrête au sommet de la colline… » C’est la silhouette entrevue par Sully Prudhomme :

  Dans sa grossière houppelande,
  Le pâtre, sur son grand bâton
  Penché, les mains sous le menton,
  Est l’amant rêveur de la lande.