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qu’à chaque instant je sens, je vois par qui ces romans ont été écrits. Je sens que l’auteur doit être un magistrat, un propriétaire rural, un agronome, un chasseur, un érudit-amateur et un bon humaniste. Tout cela fait à ses livres une figure à part, ce qui est l’essentiel et ce qui suffirait à me les faire goûter, quand même cet homme de loi lettré et ami des champs ne serait point, par-dessus le marché, un poète bien authentique.

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Le magistrat a l’œil lucide et le goût de l’exactitude minutieuse. Souvent il a dû, pour rétablir la scène de quelque crime, examiner des plans d’appartement, regarder de près des mobiliers, passer en revue, et méthodiquement, de menus objets. S’il compose des romans, ses descriptions devront se ressentir de cette habitude professionnelle. Et en effet, toutes les fois que M. de Glouvet décrit, on dirait qu’il s’est « transporté sur les lieux » pour en « dresser l’état ». Voyez ce fragment d’une description dans le Berger :

… Le logis occupe une moitié de la chaumine, sans communication avec l’autre, qui sert à tous usages et tient lieu de bûcher. La bergerie s’appuie perpendiculairement à cette chambre noire et se prolonge dans la direction du carrefour, terminée par un fournil aux crevasses lierrues. La barrière à claires-voies, qui donne accès du chemin dans la cour, est chargée d’un pavé massif à son extrémité fixe, de telle sorte que le battant, facilement poussé de