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Théocrite, de Lucrèce, d’Horace, de Virgile, surtout l’admirable cri des Géorgiques : « Oh ! les champs, le Sperchius, le Taygète foulé par les danses des filles de Sparte ! Oh ! menez-moi aux fraîches vallées de l’Hémus, et que je m’y enveloppe de l’ombre éployée des feuillages ! » Mais que sont ces impressions fugitives, ces brèves effusions éparses, auprès de l’enthousiasme continu et de l’immense amour qui possède l’âme entière de quelques-uns de nos contemporains ? — C’est, dit-on, le même sentiment ; ce n’est qu’une différence de degré. Mais cette différence même ne vous paraît-elle pas prodigieuse ?

Notez que cette belle passion, qui éclate à certains moments chez quelques poètes anciens, s’est tue pendant des siècles et des siècles. Elle semble se réveiller chez les poètes de la Pléiade française, mais imitée, apprise, affaiblie ; ce n’est vraiment qu’un reflet. Au XVIIe siècle, elle sommeille encore. Toujours on nous cite les trois phrases de Mme de Sévigné sur le rossignol, la fenaison et les feuillages d’automne, quelques vers de La Fontaine et l’allée de tilleuls de Mme de La Fayette : c’est peu. En réalité, l’étincelle jaillit de Jean-Jacques Rousseau ; puis la flamme grandit, attisée par Bernardin de Saint-Pierre, par Chateaubriand, par Lamartine, par George Sand, par Michelet, et aujourd’hui elle consume délicieusement les tendres coeurs de faunes et de sylvains d’ailleurs très civilisés.

Je crois que les plus récentes conceptions de l’histoire du monde, surtout la théorie de l’évolution, ont