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pour parler comme Flaubert, en sorte qu’elles ne sont plus « qu’une illusion à décrire », est presque incompatible avec la vie passionnelle. Puis les souvenirs des expériences morales consignées dans les livres lui reviennent sans cesse ; il y compare, malgré lui, ou cherche à y conformer sa propre aventure. Il prévoit à chaque instant ses propres mouvements et ceux de la femme qu’il aime ou qu’il se figure aimer. La réalité, même celle où il est engagé le plus profondément, lui est, quoi qu’il fasse, matière d’art. Toutes les différentes phases des amours de Maxime et de Germaine, Maxime les prépare, les pressent, les étudie. Il aime sans aimer, il aime exprès : et c’est pourquoi il cesse d’aimer dès qu’arrive l’heure des résolutions suprêmes, du jour où son amour, en se prolongeant, risquerait de compliquer irrémédiablement sa vie, cesserait d’être un exercice agréable et ingénieux, une occasion d’expériences et de vérifications morales. Tout artiste digne de ce nom est par là même capable du « crime d’amour ».

Après le dilettante qui écrit, voici le dilettante qui n’écrit pas, supérieur peut-être au premier par la façon dont il entend la vie, par la sagesse plus rare qu’implique le rôle qu’il s’est donné. Si, au bout du compte, il n’est pas plus dupe que l’autre de ses sensations et de ses sentiments, du moins il en jouit avec un peu plus de sécurité. Il n’est point tourmenté du vague et perpétuel souci de les considérer du point de vue du livre pour les exprimer ensuite littéraire-