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pas comme cela ; attendons. » — Dans l’Amie, Germaine April, aimée de Maxime Rivols, raconte tout à sa femme, et celle-ci, de son côté, prévient le mari de Germaine, s’entend avec lui pour surveiller les deux autres ; et cette situation infiniment délicate, cet équilibre des plus instables se maintient pendant plus de cent pages. Ce n’est point Vénus tout entière à sa proie attachée, oh ! non.

Les hommes sont des artistes et des dilettantes de l’amour. Au fond, les moyens les intéressent plus que la fin. Car la fin, on la trouve où l’on veut — et c’est toujours la même chose. Oh ! que Maxime Rivols est bien le type accompli de l’homme de lettres amoureux ! C’est sans doute un lieu commun de dire que la littérature, en se mêlant à tous les sentiments de l’écrivain, les atténue ou les déforme. Mais comme ce lieu commun est vrai ! L’écrivain — j’entends celui qui par vocation observe les hommes et transcrit ses observations — peut se jouer à lui-même la comédie de la passion. Souvent même il s’y laisse prendre, mais rarement tout entier ; et toujours il se reprend. Il voudrait jouir, souffrir sans arrière-pensée, sans autre préoccupation que son amour. Il sait très bien quels sentiments il devrait avoir ; il les simule et il croit les éprouver. Mais presque toujours, au moment décisif, au moment où d’autres ne s’appartiennent plus, tout à coup il s’aperçoit qu’il se regarde faire, qu’il est moins acteur que spectateur. Le don essentiel de l’écrivain, le don de voir toutes choses « transposées »,