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Enfin M. Rabusson n’a pas grande confiance dans la durée des vestiges médiocrement reluisants du monde d’autrefois. La fâcheuse franchise, mortelle aux fictions, avec laquelle il juge la société mondaine, il la retrouve dans cette société même, comme une cause de dissolution :

… Après le monologue, des trépignements de joie, auxquels se mêlèrent, il est vrai, bon nombre d’appréciations résumées d’un mot par des gommeux pleins de bon sens : Idiot ! infect ! crevant ! Tout le monde s’ennuyait à fond et presque franchement. — La franchise et le besoin de vérité, qui sont l’honneur et font l’ennui de notre époque, condamnent à une mort prochaine les débris à peine vivants de la société. Le mensonge et le convenu la soutenaient ; le triomphe du vrai la tue.

Si M. Rabusson voit sans illusion la populace mondaine, on ne saurait dire non plus qu’il nous ait surfait ses héros. Prenez les plus sympathiques et les plus brillants. Roger de Trémont est un gentil garçon et un officier fringant, mais avec un assez grand fond d’ingénuité, et, s’il est charmant, c’est par ce qui lui manque pour être un mondain accompli. Même le duc de Trièves, le représentant par excellence de la haute vie, n’en impose pas autrement à M. Rabusson. Il a vite fait de le percer à jour. Il jauge le bagage et prend la mesure de ce don Juan de façon à rassurer l’amour-propre de ceux qui voient la fête du dehors. Il arrive parfois à tel brave homme d’artiste, de savant ou d’écrivain, un peu gauche et taciturne, de s’émer-