Page:Lemaître - Les Contemporains, sér3, 1898.djvu/126

Cette page n’a pas encore été corrigée

rente. La ploutocratie d’un côté, l’art et la littérature de l’autre, ont rompu et brouillé ses frontières, et personne ne s’y reconnaît plus. Il est vrai que, justement à cause de cette indécision et de cette variété, il reste toujours au descripteur des mœurs mondaines quelque chance d’être tombé juste. Mais aussi il y aura toujours quelqu’un qui lui contestera ce mérite et ce bonheur.

D’autre part, un rêveur me tient ces propos excessifs :

— Non, décidément, vrais ou faux, tous ces romans de mœurs mondaines m’exaspèrent. Ils sont d’une lecture presque douloureuse pour les pauvres diables. Ils donnent l’idée de la vie la plus élégante, la plus somptueuse, la plus digne en somme d’être vécue. Ils évoquent des cavaliers beaux, spirituels, habiles à tous les exercices du corps, aisés, victorieux, sûrs de plaire, qui jouissent de tout leur être et dont l’occupation est de cueillir toutes les fleurs des plaisirs les plus réels. Le sage se dit en vain qu’il y a quelque chose de supérieur et de meilleur, qui est de chercher la vérité ou d’assister au train des choses comme à un spectacle. Cette philosophie n’est que résignation. En réalité, on serait heureux de contribuer de sa personne à ce que ce spectacle a de brillant. Que n’eût point donné Jean-Jacques Rousseau pour n’être pas gauche auprès des femmes, pour les séduire par autre chose que son génie d’écrivain, par des dons purement extérieurs et frivoles ! M. Renan, qui a toutes les