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On peut voir, par l’exemple de Pierre Loti, comment, par quel détour, les vieilles littératures reviennent quelquefois à la simplicité absolue. Une extrême sensibilité artistique exercée par les objets les plus extraordinaires et qui se repose enfin dans la traduction des sentiments les plus ingénus ; ce qu’on a appelé « l’impressionnisme » aboutissant à une poésie purement naturelle : tel est à peu près le cas de l’auteur d’Aziyadé et de Pécheur d’Islande. Or, à y regarder d’un peu près, on croit reconnaître que c’est l’« exotisme » des objets auxquels elle s’est d’abord appliquée qui a aiguisé à ce point sa sensibilité, et que ce sont certains sentiments engendrés par cet exotisme qui l’ont ramené à la belle simplicité des idylles ou des tragédies familières. Voyons comment a pu se faire cette singulière évolution.


I

Des circonstances uniques ont contribué à former le talent de Pierre Loti. Après une enfance rêveuse et tendre, le voilà élève de l’École navale puis en route à travers le monde. Cette vie de marin, si différente de la nôtre, songez quels effets elle peut avoir sur l’âme. Par les longues traversées, dans la solitude infinie des mers, l’idée persistante et le sentiment de l’immensité de l’univers et de la fatalité des forces naturelles doit vous remplir lentement d’une indéfinissable tristesse. Et, si ce sentiment peut se tourner en piété grave chez quel-