Page:Lemaître - Les Contemporains, sér2, 1897.djvu/98

Cette page n’a pas encore été corrigée

Il devait les écrire, car l’avènement du christianisme forme, pour les peuples d’Occident, le nœud du grand drame humain. J’ai dit ailleurs[1] pourquoi certains esprits regardaient cet avènement comme une immense calamité, et qu’ils me semblaient bien sûrs de leur fait, et qu’une âme riche et complètement humaine devait être païenne et chrétienne à la fois. Je trouve cette âme dans ce beau poème des Noces corinthiennes qui est un chef-d’œuvre trop peu connu. J’y trouve une vive intelligence de l’histoire, une sympathie abondante, une forme digne d’André Chénier ; et je doute qu’on ait jamais mieux exprimé la sécurité enfantine des âmes éprises de vie terrestre et qui se sentent à l’aise dans la nature divinisée, ni, d’autre part, l’inquiétude mystique d’où est née la religion nouvelle.

Voilà bien le drame qui a dû, dans les trois premiers siècles, troubler d’innombrables familles. Le bon Hermas, vigneron de Corinthe, est resté païen, sa femme Kallista et sa fille Daphné sont chrétiennes, et c’est bien, en effet, par les femmes que la foi nouvelle devait le plus souvent pénétrer dans les foyers. Daphné est fiancée à Hippias, qui n’est point chrétien. Kallista, malade, fait vœu, si Dieu la guérit, de lui consacrer la virginité de sa fille, non par égoïsme, mais parce que la vie de la vieille femme est encore utile aux siens, aux pauvres et aux fidèles. Daphné se soumet douloureusement. Mais, Hippias étant revenu, elle ne peut

  1. Le Néo-hellénisme (les Contemporains, première série.)