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et il a su goûter les vieilles choses et s’intéresser au passé. Ce petit enfant était déjà bien le fils du siècle de l’histoire et de l’érudition.

Que l’on s’en rapporte aux Désirs de Jean Servien ou au Livre de mon ami, que le père de ce petit enfant ait été relieur ou médecin, c’était un homme candide, sérieux et de caractère méditatif ; sa mère était douce, fine et d’une adorable tendresse. Et l’enfant se ressentira plus tard de cette double influence.

Puis il a fait, comme Jean Servien, d’excellentes humanités, à l’ancienne mode. Il a naïvement frémi d’admiration en expliquant Homère et les tragiques grecs, il a vécu de la vie des anciens, il a senti la beauté antique, il a connu la magie des mots, il a aimé des phrases pour l’harmonie des sons enchaînés et pour les visions qu’elles évoquaient en lui.

Et c’est dans une école ecclésiastique qu’il a passé son enfance, ce qui est, je crois, un grand avantage, car souvent les exercices de piété y font l’âme plus douce et plus tendre ; la pureté a plus de chance de s’y conserver, au moins un temps, et (sauf le cas de quelques fous ou de quelques mauvais cours), quand plus tard la foi vous quitte, on demeure capable de la comprendre et de l’aimer chez les autres, on est plus équitable et plus intelligent.

Puis il eut, comme Jean Servien, comme beaucoup d’écrivains et d’artistes dans notre société démocratique où si souvent le talent monte d’en bas, une jeunesse pauvre, dure, avec des amours absurdes, des