Page:Lemaître - Les Contemporains, sér2, 1897.djvu/81

Cette page n’a pas encore été corrigée

    Les Astres, dans la nue impassible et béante
    Versent leurs rayons d’or pareils à des regards,
   .......................
    Et la Terre, œil aussi, brûlant et sans paupière,
    Sent dans ses profondeurs sourdre le flot amer
    Que déroule le flux éternel de la mer,
    Larme immense pendue à son orbe de pierre.

Et dans les Paysages métaphysiques :

    Le bleu du ciel pâlit. Comme un cygne émergeant
    D’un grand fleuve d’azur, l’Aube, parmi la brume,
    Secoue à l’horizon les blancheurs de sa plume
    Et flagelle l’air vif de son aile d’argent…

Et plus loin :

    Luisante à l’horizon comme une lame nue,
    Sur le soleil tombé la mer en se fermant
    De son sang lumineux éclabousse la nue
    Où des gouttes de feu perlent confusément…

Cette aube qui est un cygne, ce soleil qui est un dieu décapité, et bien d’autres images que je pourrais citer…, alors que M. Armand Silvestre avait ces visions, est-ce qu’il n’était pas, spontanément ou par artifice, dans un état d’esprit aussi approchant que possible de celui des anciens hommes quand, essayant d’exprimer dans leur langue incomplète les phénomènes de la nature, ils créaient sans effort des mythes immortels ? Par malheur, d’aucuns croiront que, lorsque je compare à Valmiki l’auteur des Contes grassouillets, je ne saurais parler bien sérieusement.