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menues ritournelles, de ces rimes caressantes : elles font couler jusqu’à l’âme l’ivresse des couleurs, des formes et des parfums, et l’amour de la vie universelle, toujours un peu triste parce qu’il est toujours inassouvi. Et, pour une fois, la musique a su ajouter à la poésie au lieu de l’effacer par des sensations moins définies et plus fortes ; et, comme ces petits vers ne sont qu’un tissu d’images et d’impressions flottantes, les mélodies de Massenet nous ont peut-être encore mieux fait sentir tout ce que recèlent d’enchantement ces vagues et délicieuses romances, que je voudrais appeler des romances panthéistiques.

Ensuite le poète dit la Vie des morts, leur âme éparse dans les arbres, dans les broussailles, dans les sources qui sont leurs yeux, dans les nuages qui sont leur pensée inquiète, dans les astres où flambent leurs anciennes passions, dans la mer, « temple obscur des métamorphoses », dans les parfums, dans le chant nocturne des voix terrestres… Et cependant ce n’est pas tout ce qui reste des morts. « Ce que m’a pris le rêve, mes aspirations vers le juste et le beau, ce que j’ai dit tout bas à la nuit, ce que j’ai vu en fermant les yeux,

Ma chair ne saurait plus l’entraîner au tombeau. »

Et, après ces sonnets vaguement platoniciens, le poète chante les Vestales, la beauté chaste, « la fleur spirituelle dont il veut boire, après la mort, les longs parfums ». Il rêve, il adore, il pétrarquise…