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    De la base au sommet, et les ombres des Andes,
    Gagnant Caxamalca, s’allongèrent plus grandes…
   .......................
    Mais l’ombre couvrit tout de son aile. Et voilà
    Que le dernier sommet des pics étincela,
    Puis s’éteignit.

      Alors, formidable, enflammée
    D’un haut pressentiment, tout entière, l’armée,
    Brandissant ses drapeaux sur l’occident vermeil,
    Salua d’un grand cri la chute du Soleil.

À ce groupe de poèmes se rattachent encore les tierces rimes, plus espagnoles que le Romancero, qu’on a pu lire dernièrement dans la Revue des Deux Mondes.

Une telle poésie est bien la plus fière, la plus hautaine et, si je puis dire, la plus orgueilleuse qui soit. Elle n’est donc pas impassible, quoi qu’on ait prétendu. Elle exprime d’abord l’exaltation d’une âme tendue à jouir superbement de toute la beauté éparse dans le monde et dans l’histoire et de toutes les œuvres où l’humanité a le plus joyeusement épanché son génie. Elle implique une curiosité sympathique et passionnée. Elle contient un mépris du médiocre, un Odi profanum vulgus dont le sentiment peut être une très grande jouissance. Et il y a bien du courage, au fond, dans cette allégresse d’artiste trompant la vie par l’adoration du beau. Et même ces sonnets rutilants et durs comme du métal ne vont pas tous sans larmes secrètes. Quelques-uns font songer à ces statues d’airain qu’on voit pleurer dans Virgile. Car, s’ils célèbrent de belles choses, ces belles choses sont passées,