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Parmi les sonnets de ce premier groupe il en est un bien curieux et bien significatif, où se trahit d’une façon singulière le tour d’imagination propre à M. de Heredia. Les choses n’apparaissent le plus souvent à ce poète érudit et gentilhomme qu’à travers des souvenirs de mythologie, de chevalerie et d’aventures héroïques. Si bien qu’un jour, non content de diviniser la nature, il l’a anoblie et blasonnée. Le sonnet que voici est proprement un paysage météorologico-héraldique. Il est intitulé : Blason céleste.

    J’ai vu parfois, ayant le ciel bleu pour émail,
    Les nuages d’argent et de pourpre et de cuivre,
    À l’Occident, où l’œil s’éblouit à les suivre,
    Peindre d’un grand blason le céleste vitrail.

    Pour cimier, pour support, l’héraldique bétail,
    Licorne, léopard, alérion ou guivre,
    Monstres, géants captifs qu’un coup de vent délivre,
    Exhaussent leur stature et cabrent leur poitrail.

    Certe, aux champs de l’azur, dans ces combats étranges
    que les noirs Séraphins livrèrent aux Archanges,
    Cet écu fut gagné par un baron du ciel.

    Comme ceux qui jadis prirent Constantinople,
    Il porte en bon croisé, qu’il soit George ou Michel,
    Le soleil, besant d’or, sur la mer de sinople.

Le deuxième groupe est celui des sonnets mythologiques. La mythologie, ce sont les forces naturelles personnifiées, et c’est aussi, par conséquent, l’humanité déifiée. Vous trouverez dans les apothéoses de M. de Heredia cette intime union de la Nature et de