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Faites ce travail sur tous les sonnets de M. de Heredia, non seulement pour les rimes, mais pour tout l’intérieur du vers : peut-être ne démêlerez-vous pas toujours les raisons de cette harmonie secrète du sens et de la musique des phrases ; mais toujours vous la sentirez.


IV

Les sonnets et poèmes de M. de Heredia (trop peu nombreux : il n’y en a guère plus d’une cinquantaine) se partagent assez naturellement en quatre groupes. Il y a d’abord les sonnets de pure description : quelques paysages de Bretagne, le sonnet japonais que je rappelais tout à l’heure, ou encore cet admirable Récif de corail que je ne puis me tenir de citer :

    Le soleil, sous la mer, mystérieuse aurore,
    Éclaire la forêt des coraux abyssins
    Qui mêle, aux profondeurs de ses tièdes bassins,
    La bête épanouie et la vivante flore.

    Et tout ce que le sel ou l’iode colore,
    Mousse, algue chevelue, anémones, oursins,
    Couvre de pourpre sombre, en somptueux dessins,
    Le fond vermiculé du pâle madrépore.

    De sa splendide écaille éteignant les émaux,
    Un grand poisson navigue à travers les rameaux.
    Dans l’ombre transparente indolemment il rôde.

    Et brusquement, d’un coup de sa nageoire en feu,
    Il fait dans le cristal morne, immobile et bleu,
    Courir un frisson d’or, de nacre et d’émeraude.